LA MOUETTE

Déployant au plateau toute la puissance des procédés cinématographiques, les performances filmiques de Cyril Teste font de la scène le lieu de tous les possibles. Prises de vue en direct, scénographie immersive, jeux d’échelles, gros plans, changements de perspectives et hors-champ... Sa grammaire narrative juxtapose différents lieux et temporalités, dévoile la profondeur des êtres, décuple les émotions des interprètes et propage la vibration du désir, aux interstices du réel et de la fiction.

Une maison, près d’un lac. Dans cette maison, on entre, on sort, on se croise, on se fuit. Va-et-vient permanent des hommes et des sentiments. Dans La Mouette, tout est passion, tout est théâtre. Macha aime Treplev qui aime Nina qui aime Trigorine… Une « comédie », comme le prétend Tchekhov, explorant les tourments de l’amour et de la vocation artistique. Tout tourne autour d’Arkadina : sa présence, sa beauté, son élégance, le moindre de ses gestes. Un soupir, une phrase inachevée, un regard provoquent des électrochocs successifs à tous ceux qui l’approchent. Elle joue au théâtre, en société comme dans l’intimité. Sa vie est une succession de rôles qu’elle endosse, naturellement. Dans cette maison dont elle orchestre le moindre mouvement, un seul rôle lui est étranger : celui de mère… 
Metteur en scène phare de la scène européenne, Cyril Teste convoque sur le plateau théâtre, peinture et cinéma. Mise en abyme vertigineuse de la pièce déployée en plusieurs dimensions : où commence la fiction, où s’arrête le réel, comment éprouve-t-on les sentiments selon que l’acteur est filmé ou en chair et en os ? La caméra sublime les émotions au plus près des corps, des visages, du grain de peau. Le corps et la voix des acteurs ressuscitent notre écoute. Jeu du regard, jeu de l’ouïe, tous les sens des spectateurs sont aux aguets. Le théâtre-cinéma de Cyril Teste nous embarque dans la douce dérive d’une maison au bord du lac et nous y fait vivre une inoubliable expérience, à fleur de peau.